Si vis pacem, para bellum
Un vent que certains pourraient qualifier de panique souffle sur l’Europe et tout particulièrement sur la France, depuis que le candidat Trump a renouvelé sa vision conditionnelle de la garantie de l’Otan et que, par ailleurs, l’armée Ukrainienne se trouve en grande difficulté face à une remontée de l’effort de guerre russe sur le terrain. Des bruits de bottes seraient déjà perceptibles de Tallinn à Varsovie. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, sur le départ, les a clairement entendus et met en garde les membres de l’Alliance Atlantique. Thierry Burkhard, le chef d’état-major des Armées françaises, lui aussi, s’est mis à l’unisson, évoquant l’urgence d’une montée en puissance et d’une modernisation de nos forces armées pour être à la mesure d’un possible conflit de haute intensité à horizon prévisible.
L’idée que la défense européenne pourrait se retrouver nue face au risque d’une guerre conventionnelle, voire nucléaire, sur le territoire européen taraude désormais les esprits et nos concitoyens se montrent de plus en plus inquiets sur l’avenir de notre pays et du monde.
Alors qu’en est-il, et cette émotion est-elle justifiée ? Je répondrai à la fois oui et non, quitte à faire, à mon corps défendant, un peu de ce « en même temps macronien » que je déplore par ailleurs.
Non… la guerre n’est pas une éventualité qui doive nous inquiéter à ce point. Tout d’abord la guerre contre qui ? Évidemment, en dépit d’une situation internationale chaque jour plus incertaine, tout le monde pense à cette Russie si proche, qui a fort heureusement oublié son idéologie du communisme conquérant mais qui, contre toute attente, s’est trouvée de nouveaux prétextes pour s’en prendre au monde occidental. Son mobile serait de démontrer la supériorité de son modèle de société sur celui d’une Europe décadente, aux mœurs dépravées, en proie à un affaiblissement suicidaire, et son guide éclairé a inventé, pour en convaincre son peuple, la menace d’un Occident, dont le bras armé otanien n’attendrait que l’instant favorable pour déferler sur une Russie phare de l’humanité et gardienne de la civilisation.
Mais en fait cette Russie, en dépit des fanfaronnades poutiniennes, n’est pas l’ogre à la puissance inépuisable que l’on nous dépeint souvent. Ses forces armées ne sont pas capables dans le conflit actuel de réellement s’imposer face à un pays dont les capacités restent modestes en dépit de l’aide occidentale, sa stratégie de l’action de masse trouvera ses limites dans une démographie en forte décroissance et force est de constater, heureusement, qu’en dépit de déclarations fracassantes, l’arme nucléaire reste dans son rôle dissuasif compte tenu de la réalité nucléaire de l’Occident. N’exagérons donc pas cette menace russe, pas plus du reste que les risques de basculement dans une course suicidaire au conflit mondial.
Néanmoins, qu’est-ce qui empêcherait un Poutine, une fois confortablement assis sur la prise territoriale du Donbass et de la Crimée, de viser ensuite non pas une opération militaire conventionnelle qui provoquerait une riposte immédiate de l’Otan mais, par cyberattaque ou actions subversives, la libération de la minorité russe de Lettonie ? Au-delà même du théâtre européen, la connivence entre les autocraties et les régimes plus ou moins dictatoriaux qui fleurissent un peu partout dans le monde, de la Chine à la Turquie en passant par l’Iran ou la Corée du Nord, accumule les risques de dérapage de conflits régionaux, comme celui du Proche-Orient, en conflagration généralisée. L’interdépendance géopolitique et économique entre les différents acteurs du concert international est telle que nul n’est désormais à l’abri de ce qui peut survenir à ses antipodes.
Alors, n’oublions pas la sagesse de nos racines romaines. Depuis César, personne n’a trouvé mieux que le fameux « si vis pacem, para bellum » pour se prémunir contre des risques malgré tout plausibles. Il nous faut raison garder loin de toute peur fantasmée d’une troisième guerre mondiale, mais loin également de l’illusion de la continuité sans fin de l’état de paix que l’Europe connait depuis des décennies. Il faut nous préparer moralement et matériellement au dérapage toujours possible d’une situation géopolitique instable. Préparer les esprits, cela veut dire remettre en vigueur des valeurs quelque peu oubliées dans un monde d’individualisme et d’égocentrisme : le courage, l’esprit de sacrifice, la solidarité, la fidélité aux devoirs civiques, le service du bien commun et de la patrie… Se préparer matériellement, c’est accepter que le budget de la défense devienne le premier budget de l’État, ce qu’il n’est plus depuis longtemps ; c’est accepter de consacrer moins au social, au bien-être, au superflu, pour satisfaire l’indispensable et notamment la construction d’une armée bien formée et bien armée ; c’est peut-être aussi accepter le retour d’une certaine forme de service militaire ou du moins de réserve citoyenne opérationnelle ; c’est enfin, et même surtout, pour l’Européen convaincu que je suis, de construire avec les pays de l’Union européenne une capacité de défense autonome suffisamment puissante, pour le cas où le recours à l’Alliance atlantique serait défaillant.
Tout cela est possible. Il serait prudent de lui donner une réalité…
Général (2S) Jacques Favin-Lévêque
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