Rapport
Schuman sur l’Europe, l’état de l’Union 2023
Chaque année la Fondation Robert Schuman, créée en 1991 après la chute du mur de Berlin, édite un rapport sur l’Europe, et son Président était invité à le commenter et à exprimer son point de vue sur « l’état de l’union »,lors d’un déjeuner-débat le 18 avril 2023.
Après avoir été introduit par Philippe de Suremain, le Président Giuliani rappelle la vocation de la Fondation qui s’efforce d’être une veille politique des évolutions de l’Europe, d’en analyser les changements. Elle essaie d’anticiper et de faire l’inventaire des questions qui sont posées à l’Union Européenne (UE) et qu’elle a à résoudre dans le monde d’aujourd’hui. S’agissant de l’observation minutieuse de son influence dans les États qui la composent, et dans ceux qui l’observent, le rapport répond, au fil de ses pages, à la question : « l’Europe a beaucoup changé, l’avez-vous remarqué ?»
Dans tous les domaines de la vie du monde et des États qui la composent, elle a présenté des avancées, ne serait-ce que sous la pression des faits. À travers les crises qu’elle traverse, la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l’inflation mondiale, elle a su donner les réponses attendues dans un système de décision complexe mais efficace. Le débat sur les finalités de l’Union européenne est largement dépassé, de même que ceux sur une option fédérale ou sur la place des États qui la composent. Le principe de réalité s’est imposé. L’Europe est toujours celle des nations, moins fédérale qu’espéré, mais confrontée à la réalité, elle vise à l’efficacité et montre qu’elle sait se saisir des décisions à prendre et que les divergences qui peuvent la traverser n’entravent pas des décisions collectives qui répondent aux questions que l’actualité lui impose. Dans les faits, sa transformation s’opère par sa capacité à répondre aux grands enjeux mondiaux. Sa souveraineté, c’est choisir ses dépendances.
Il reste cependant du chemin à faire pour assurer la réactivité des États et assurer une politique de soutien solidaire et partagé de son économie. Déjà le sentiment d’appartenance à un grand ensemble s’est développé chez les citoyens européens, et il doit progressivement se matérialiser dans l’idée que les moyens communs peuvent désormais profiter à l’économie européenne Cette prise de conscience s’est déjà concrétisée dans la recherche par la Commission de la coopération de certains programmes d’armement. Et aussi, sur le plan des investissements étrangers et de la protection des activités économiques vitales du continent, objet de la convoitise économique et politique de puissances étrangères. De même, la Commission met en œuvre des politiques plus adaptées aux circonstances, dépouillées du mercantilisme béat et de la naïveté d’une Europe qui n’a pas encore intégré les éléments incontournables d’une concurrence internationale à laquelle elle ne peut échapper et qu’elle doit maîtriser.
La politique financière menée par la Banque Centrale suit le même chemin et doit se positionner dans une perspective qui favorise la croissance, jugule une inflation sans la briser, et qui permette aux citoyens de percevoir l’efficacité de la dimension européenne. Si les européens sont à l’avant-garde du combat contre le réchauffement climatique, il ne faudrait pas que cette nouvelle priorité soit uniquement celle des règles et des contraintes. Ce combat doit être ouvert sur des perspectives et des incitations. Le risque véhiculé par le principe de précaution marqué par la frénésie règlementaire doit être surmonté, et le Parlement européen devra orienter ses décisions en évitant les chemins d’une facile démagogie de la taxonomie verte pour emprunter ceux d’une planification rationnelle et progressive. Réussir la lutte contre
les dérèglements climatiques, c’est aussi faire confiance aux acteurs, citoyens et entreprises, les mobiliser et les convaincre, faire confiance à la science et travailler à en transformer les avancées en progrès.
Les défis politiques sont nombreux à commencer par celui du défi russe à laquelle une réponse ferme est donnée. Il s’agit en Ukraine d’une déclaration de guerre à l’Europe, rouvrant des plaies historiques dont l’Europe est marquée dans toutes ses phases historiques et à travers tout son continent. Déstabiliser l’Europe au moyen des outils russes que sont la mafia, les oligarques et le KGB, tenus de main de dictateur par Poutine. L’UE s’est montrée très unie dans cette épreuve pour obliger la Russie à freiner cette agressivité et elle a compris qu’il s’agit plus de s’opposer fermement aux plans belliqueux de Poutine que d’humilier la Russie. Elle a pu résoudre en moins d’un an sa dépendance envers les fournitures d’énergie russes et coopérer efficacement avec l’OTAN. Les sommes engagées et la contribution militaire sont du niveau de ceux de l’intervention des États-Unis. On a pu voir que, cependant, l’Europe est loin de disposer des moyens de s’imposer dans de tels conflits et que sa sécurité n’est pas assurée avec des capacités militaires insuffisantes et la réflexion porte désormais sur une politique d’équipements européens à travers la coordination de ses productions d’armements.
Bien d’autres défis sont en jeu auxquels répond la Commission, tels le lancement d’un programme spatial commun, les questions liés à l’usage d’internet (protection des données personnelles, RGPD), les règles communes sur l’environnement. Tout n’est pas parfait, notre politique monétaire reste timorée malgré nos capacités d’endettement alors que la zone euro est endettée à hauteur de 90 % du PIB, contre un endettement de 210 % pour le Japon et de 110 % pour les États-Unis.
Les défis politiques sont nombreux et au premier rang, celui de l’élargissement. Les promesses faites aux nombreux candidats ne peuvent pas, pour certains d’entre eux, être éternisées, faute de les voir sensibles aux attentions intéressées de la Chine ou la Russie, aidées par la Turquie. C’est ainsi qu’en 2022, l’intégration a été promise à l’Ukraine et à la Moldavie. L’UE doit arbitrer entre le risque d’intégrer des États qui y importent des problèmes supplémentaires à la Communauté et ceux de l’ordre des questions posées par la Pologne ou la Hongrie réticentes à l’adoption de règles européennes, significatifs de l’extension de mouvements illibéraux en Europe. Mais notre capacité d’intégration ne doit pas être diluée pour autant.
Le défi majeur reste celui de l’adhésion des citoyens européens au projet européen. Sa logique est acceptée, y compris la rationalité d’une communauté, mais l’adhésion ne suscite pas encore l’enthousiasme et la fierté qui seraient un puissant aiguillon pour les instances. Une politique de communication insuffisante voire défaillante en est sans doute une des causes. Or le temps presse car la morosité gagne, avec la progression des phénomènes qui provoquent une inquiétude légitime, la guerre, l’inflation, et un mal-être général.
Il n’en reste pas moins que l’UE a considérablement changé en quelques mois et qu’elle s’est adaptée aux nouvelles contraintes de tous ordres. Des sujets importants doivent encore y être traités tels qu’une politique commune d’immigration, ou une politique fiscale harmonisée.
Le président Giuliani conclut par un sentiment d’optimisme sur les déroulements futurs.
Notes de François Jager
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