Le Brésil de Bolsonaro
Conférence du 6 février 2020 par François TREILHOU, administrateur d’ARRI
Le Brésil, le plus grand pays d’Amérique latine avec 8,5 millions de kms² et une population de 210 millions d’habitants, se caractérise par une importante diversité ethnique et culturelle. C’était en 2019 la neuvième économie mondiale avec un PIB de 1 960 milliards de dollars, en décroissance depuis 2011. Le Brésil est membre des BRICS.
Brève histoire
Libéré de la longue colonisation portugaise le pays devient indépendant en 1825. L’histoire récente commence après la Seconde guerre mondiale par une période de croissance et de mise en place de la démographie qui se terminera en 1964 par une dictature militaire qui durera plus de vingt ans. Avec le retour de la démocratie la crise économique assombrit les présidences de Sarney et de Collor. Elu en1995, le président Cardoso prend les mesures nécessaires pour redresser l’économie, comme la privatisation de plusieurs dizaines d'entreprises publiques. Il mène une politique d’austérité budgétaire, en particulier lors de son second mandat.
Les années Lulla, la corruption et la dégradation de la situation
Entre 2002 et 2010 Lulla, ouvrier métallurgiste issu du peuple, sort de l’extrême pauvreté des millions de Brésiliens et poursuit l’essor économique. Au plan international, Lulla a amené le Brésil sur la scène internationale mais il ne réussit pas à mener à bout la réforme constitutionnelle ni la lutte contre la corruption ni à améliorer la sécurité dans les grandes villes. Sa colistière Dilma Rousseff hérite d’une période de chute des prix des matières premières et le déficit budgétaire augmente, obligeant le pouvoir à prendre des mesures drastiques et à lancer la réforme du système très généreux des retraites, qui se soldera par un échec.
Partie d'une banale affaire locale de blanchiment d'argent, se déclenche en 2014 l'affaire Petrobras, du nom de l'entreprise pétrolière d'État brésilienne : un gigantesque système de corruption impliquant de nombreuses entreprises du secteur du BTP et des hommes politiques de premier plan du pays. C’est le juge Moro qui se saisi de l’affaire et devient le héros anti-corruption. Hommes politiques et chefs d’entreprises sont emprisonnés ; le scandale est tel que les brésiliens manifestent dans la rue et que les partis et la classe politique de tous bords perdent la confiance du peuple.
Dilma Rousseff est destituée au bout de dix-huit mois, lors de son second mandat, pour avoir présenté au moment de sa réélection un budget falsifié, Elle doit céder la place à son vice-président Michel Temer en 2016. Le président actuel Jais Bolsonaro, d’extrême droite, est élu en octobre 2018 et prend ses fonctions en janvier 2019.
L'élection présidentielle de Bolsonaro en 2018
Bolsonaro est issu d’une famille bourgeoise catholique. Marié et père de cinq enfants, il fait une carrière militaire jusqu’à son renvoi en 1988 pour ses positions contestataires. Il se lance alors en politique et devient député régulièrement réélu malgré ses maigres talents d’orateur et ses positions extrémistes vis-à-vis des indigènes, des noirs, des femmes ou des homosexuels. On le qualifie aujourd’hui de « Trump du Brésil ».
Élu président, plus par rejet de ses prédécesseurs que par adhésion, Bolsonaro se présente comme un homme nouveau et non corrompu. Il axe sa campagne sur la lutte contre l’insécurité et la corruption. En tête au premier tour, il est élu au second en octobre 2018 contre le candidat de gauche avec 55 % des voix.
Bolsonaro, sous prétexte de vouloir constituer un gouvernement différent de ceux qui d’après lui ont plongé le pays dans des crises éthique, morale et budgétaire, s’entoure de militaires, d’évangélistes et de climato-sceptiques et s’attache à sortir le pays du socialisme. Il marque son attirance pour la manière de gouverner de Donald Trump et pour des pays aux politiques de droite comme l’Italie ou la Hongrie. Son super ministre de l’économie, Paulo Guedes, très libéral, s’attaque avec succès à la réforme des retraites et à la privatisation d’entreprises. Par ailleurs, ce dernier marque son indépendance vis-à-vis de la banque centrale et tente d’attirer les investissements étrangers et de réduire la dette (94 % en 2020).
En politique étrangère, Bolsonaro rompt avec celle de ses prédécesseurs et marque une méfiance excessive vis-à-vis des diplomates en place qu’il perçoit comme un « nid de gauchistes ». Cette méfiance se traduit dans les faits par la fermeture d’ambassades alors que le Brésil dispose du huitième service diplomatique de la planète. Il se rapproche de Washington et développe, comme Trump, des accords commerciaux bilatéraux. L’union lancée par Lulla des pays de l’Amérique du Sud a été mise de côté et les accords rejetés, seuls restent ceux signés avec l’Argentine. Cependant, Bolsonaro est obligé de préserver ses liens avec la Chine qui est son premier partenaire commercial.
La déception
Après moins de deux années au pouvoir les brésiliens prennent conscience qu’ils n’ont pas élu l’homme qu’ils espéraient, et marquent leur déception en faisant chuter leur adhésion à la politique gouvernementale de 50 à 29 %. La violence des propos du président et ses prises de position sur la scène internationale, la dureté du régime marqué par la recrudescence des attentats, les violences policières risquent de créer une rupture entre le peuple et le pouvoir. Autoritaire, n’admettant pas la contestation Bolsonaro crée la contestation, même au sein du pouvoir, comme avec le juge Moro devenu ministre de la justice.
Au plan économique la situation stagne avec une croissance inférieure à 1 % en 2019, une dette de 94 % du PIB et un chômage encore proche de 10 %.
En ce qui concerne l’éducation les résultats ne sont pas brillants. Manque d’écoles et de formateurs, seul le niveau universitaire reste bon. Au plan religieux, on note une chute du catholicisme probablement due en partie aux scandales qui secoue le Vatican mais surtout à la politique sociale des évangéliques qui regroupent aujourd’hui environ trente pour cent des Brésiliens.
Seuls vrais succès : une réforme des retraites efficace, réalisée en six mois, et la réduction de l’insécurité estimée à 22 % depuis le début du mandat.
L’Amazonie, un sujet délicat
L’Amazonie s’étend sur tout le nord de l’Amérique du Sud en couvrant 5,5 millions de kms² dont 63 % au Brésil. La politique brésilienne actuelle est de privilégier l’élevage et la culture aux dépends de la plus vaste forêt du monde, et de ses habitants et cultures locales. Cette politique se traduit par un brûlage plus intensif (10 000 kms² en 2019).
Le sujet est délicat car, si l’Amazonie est le poumon de la planète en fournissant 20 % de l’oxygène mondial et en abritant 10 % de la biodiversité mondiale, son état relève d’une responsabilité, si ce n’est mondiale, pour le moins locale entre les pays qui en possèdent une partie sur leur territoire : Colombie, Bolivie, Equateur, Venezuela, Pérou et même la France avec la Guyane. Le Brésil qui en possède les deux tiers a donc plus que d’autres des droits mais aussi des devoirs et des responsabilités sur l’avenir de l’Amazonie. Ces doits et ces devoirs, ainsi que le statut de l’Amazonie sont des sujets que les instances internationales doivent débattre d’urgence.
Résumé de François LAURENT-ATTHALIN à partir des notes fournies
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