Voyage à Madrid du 15 au 18 novembre 2023
Impressions de voyage...
Le dernier voyage organisé par ARRI nous a conduits en Espagne, marche occidentale de l'Union européenne, à Madrid, alors que l'actualité nous porte davantage à tourner nos regards vers la frange orientale. Cependant, avec 48 millions d'habitants, l'Espagne est le quatrième pays de l'Union européenne en termes de démographie, juste derrière l'Allemagne, la France et l'Italie. Elle a assumé un rôle prépondérant au second semestre de 2023 en assurant la présidence du conseil de l'Union. Alors que notre voyage était déjà organisé, un élément imprévu s’est produit et lui a donné un intérêt supplémentaire. La dissolution anticipée du parlement espagnol et les élections tenues pendant l’été ont bouleversé la vie politique nationale. Nous sommes arrivés à Madrid au terme de ce processus, la veille de la reconduction, au départ improbable, de Pedro Sánchez dans les fonctions de président du gouvernement espagnol.
La conjonction de ces éléments nous a permis, grâce au relief particulier qu’ont pris nos entretiens, de percevoir de manière immédiate les éléments prégnants de la vie politique espagnole. Nous a d'abord frappés le fait que deux thèmes majeurs dans le débat public de nombreux autres pays européens sont absents du débat public espagnol : l'immigration et l'intégration européenne. Alors que l'Espagne constitue une porte d'entrée de l'Union européenne pour de nombreux réfugiés et que cet ancien pays d'émigration connaît depuis les années 1970 une immigration parmi les plus importantes du monde, cette question n'a pas occupé une place centrale durant la dernière campagne électorale. De même, alors que les mouvements eurosceptiques font florès dans de nombreux pays de l'Union – menant jusqu'au Brexit – la question de l'appartenance à l'UE n'a pas structuré la campagne électorale en Espagne. Cela s’explique notamment par le fait que ces deux mouvements, migration et intégration européenne, ont correspondu en Espagne à la libération politique du pays, à la fin de son isolement géographique et à la période de croissance économique qui l'a transformée depuis la fin du franquisme.
En revanche, deux thèmes nationaux sont très débattus : la question des autonomies des régions espagnoles et celle de la mémoire liée à la période de la dictature.
Chacun se souvient du referendum inconstitutionnellement organisé par le parti indépendantiste en Catalogne en 2017 et de la réaction suscitée au plan national, notamment la condamnation pénale des responsables de cette tentative de remise en cause de l’unité de l’État. Six ans plus tard, il apparaît que cet épisode a durablement marqué le pays. Au plan économique, la Catalogne a connu un certain déclin depuis cette aventure, plusieurs milliers d’entreprises qui en assuraient la prospérité jusqu’alors ayant transféré leur siège vers Madrid. Au plan politique, l’opposition persiste entre les tenants d’une autonomie régionale poussée, comme cela est prévu par la constitution espagnole de 1978, et les partis favorables à une recentralisation des compétences pour éviter un nouvel épisode tel que celui qui s’est déroulé en Catalogne.
La rencontre avec le secrétaire d’État chargé de la loi sur la mémoire démocratique nous a permis de prendre toute la mesure des tensions qui subsistent entre des perceptions parfois opposées relativement à la période de la guerre civile espagnole et de la dictature franquiste. Cette tension s’est manifestée récemment autour de l’adoption en 2022 d’une loi « sur la mémoire démocratique » qui prolonge et renforce les mesures prises par l’État pour tenter de donner une identité aux milliers de victimes des forces franquistes encore enterrées dans des fosses communes ou disparues, ainsi que pour remettre en cause tout à la fois les condamnations prononcées à cette époque pour des raisons politiques ou les distinctions, honneurs et titres de noblesse accordés par le régime franquiste. Ces questions, mises sous le boisseau lors de la transition démocratique de l’Espagne, ont laissé des blessures qui semblent encore bien vives à l’heure actuelle. Les partis de gauche voient dans cette œuvre de mémoire une étape nécessaire de l’inscription de l’Espagne parmi les démocraties pacifiées tandis que les partis de droite et d’extrême-droite la perçoivent comme une réouverture inutile d’une page tournée de l’histoire du pays, quand ils n’affichent pas une certaine nostalgie de l’époque de la dictature.
L’opposition entre ces deux conceptions de l’Espagne ne s’est pas soldée par un résultat clair lors des dernières élections législatives. La droite a manqué de peu la majorité qui lui aurait permis de former un gouvernement et Pedro Sánchez a pu exploiter cette situation pour se maintenir au pouvoir, non sans avoir dû acheter le soutien des partis indépendantistes au prix d’une amnistie des responsables du referendum inconstitutionnel sur l’indépendance de la Catalogne. La majorité hétéroclite qui en résulte ne permettra sans doute pas de mener une politique très ambitieuse au plan national, puisqu’elle réunit autour du parti démocratique de gauche les partis d’extrême gauche et les partis autonomistes ou indépendantistes qui défendent plutôt les intérêts des entreprises locales. Cela ne devrait pas avoir de conséquences au plan européen, puisque même l’extrême droite est pro-européenne. Au plan des relations bilatérales entre l’Espagne et la France, les objectifs sont largement cohérents.
Les rapports des entretiens auxquels nous avons participé donneront un détail plus précis des différents points évoqués. Ces entretiens n’auraient pu avoir lieu sans l’excellent accueil reçu auprès de l’ambassade d’Espagne à Paris et de l’ambassade de France à Madrid. Il nous faut remercier particulièrement les personnes qui ont bien voulu nous recevoir et répondre à nos questions : Cécile Thibaud, correspondante notamment des Échos à Madrid, Aymeric Chuzeville, ministre conseiller, Éric Tallon, conseiller de coopération et d’action culturelle, le colonel Sébastien Latre et Gérard Lapierre, attachés de défense adjoints, Fernando Martinez López, secrétaire d’État chargé de la mémoire démocratique.
David Capitant, président d'ARRI
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